mardi 22 avril 2014

L'Armée d'Afrique en 1942-1945



                  L'armée d'Afrique en 1942-1945


     
 Elle aura mobilisé environ plus de 350 000 hommes en trois ans, venus d'Algérie, pour la plupart, mais aussi de Tunisie, du Maroc, et de l’ex - Afrique occidentale française. Elle sera composée d'autant de Français d'Afrique du Nord (environ 150 à 170 000 hommes) représentant 16 % à 17 % de la population française d'AFN, que de « Français musulmans » vivant en AFN, environ180 000 hommes, représentant 1,6 % de la population arabo-berbère d'AFN, enrichie des troupes coloniales de l'ex- AOF (environ 80 000 hommes). Ils vont constituer le 19° corps d'armée du général Juin. Ces effectifs vont augmenter au fur et à mesure des batailles. Les trois combats auxquels elle participe attestent de la valeur de cette armée :


Le premier a lieu en Tunisie du 12 novembre 1942 au 7 mai 1943 avec 63 000 combattants. La victoire sur l'Africakorps de Rommel sera aussi, en grande partie, la victoire des alliés anglo-américains (environ 200 000 soldats) et dans une moindre mesure des forces françaises libres (1°DFL du général Larminat  et le régiment du général Leclerc (2500 hommes)). L'armée d'Afrique aura environ 2156 morts soit 4,3 % de l'effectif engagé pendant ce combat en Tunisie : autant de Français que de musulmans d'Algérie.

 Le 2°combat a lieu dans le cadre de la campagne d'Italie  entre juillet-novembre 1943 et juillet 1944. L'armée d'Afrique devient le corps expéditionnaire français en Italie (CEFI), placé sous les ordres de la V°armée américaine du général Clark. A priori, le CEFI ne peut espérer tenir qu'un rôle relativement effacé. En effet ses effectifs (100 000 hommes, dont 80 000 combattants) sont nettement inférieurs à ceux des alliés anglo-américains (360 000). La division du général de Monsabert comprenait 25 à 30 000 hommes environ, dont 8 régiments (3 gros régiments d'infanterie de 2000 à 3000 hommes chacun: le 7°R.T.A., le 3°R.T.A. et le 4°R.T.T (où mon oncle James Poupelin commandait  le 2° bataillon), plus trois régiments de chars, de tanks ou de canons (le 3°R.S.A des spahis algériens, le 7°R.C.A (tanks), et le 67e R.A.A (canons), plus le 37e groupe des forces antiaériennes, le 83e bataillon de génie, les 83e et 84e compagnies de transmission et enfin les unités de service.
Les hommes de cette  petite armée d'Afrique (max.130.000 soldats), du CEFI du général Juin, seront les seuls représentants de la France en Italie, un peu impressionnés par le nombre, le matériel  et  « l'aura » des Alliés du général Clark. Et pourtant, ils vont réussir en six mois, à force de ténacité, à franchir avec leurs mulets, dans la boue, les rochers et le froid, les montagnes autour de  Monte Cassino, sous les balles  des Allemands qui les attendaient là-haut:
Les Américains avaient débarqué dans la baie marécageuse d'Anzio avec leurs blindés et leurs jeeps…et s'étaient plantés: ils se rendent alors compte que Rome est imprenable, très bien défendue de tous côtés, en particulier au niveau de la ligne Gustav et la ligne Hitler, et qu'il est impossible de passer ces lignes, sauf peut-être  à travers les monts Arunci de la chaîne des Abruzzes.
Mais après l'enlisement des armées américaines et de leurs blindés dans la baie d’Anzio, alors que la V°armée piétine devant le Monte Cassino imprenable, trop bien défendu par les Allemands, le général Juin  tente  de passer à pied avec ses troupes aguerries et ses mulets, à travers l'étendue très tourmentée des monts Arunci pour gagner Rome. Cela paraît  impossible, mais le général Juin connait ses troupes.
En effet, en plein hiver, avec ses sommets escarpés, désertiques, ses falaises abruptes,  sans routes, sans abri pour dormir, ils avaient été classés comme infranchissables par les Allemands, qui n'avaient donc pas placé de troupes à cet endroit.
Le général Clark donne son accord, le général Juin relève le défi. Pendant trois mois ses soldats vont supporter les conditions climatiques hivernales, épouvantables à cette altitude; ils vont souffrir de faim, car l'intendance suit difficilement avec les mulets chargés de nourriture, d'eau et de munitions.
Ce sera une bataille très meurtrière : 7250 soldats furent tués, soit en moyenne 9 à 10% de l'effectif engagé ; il y aura de plus 21 000 blessés et 4200 disparus : soit plus de 30 000 pertes sur un total de 80 000, (soit plus du 1/3): on a appelé cette bataille le « Verdun »de la Deuxième Guerre mondiale.
Grâce à cette victoire, les Alliés et les Français ont pu entrer dans Rome.

Un autre combat exemplaire est celui mené pour libérer l'île d'Elbe. L'opération commandée par le général de Lattre de Tassigny qui a sous ses ordres la 9° division d'infanterie coloniale (DIC), le deuxième groupe de tabors marocains, le groupe des commandos d'Afrique et le bataillon de choc du lieutenant-colonel Gambiez. Au total 12 000 hommes qui remportent un rapide et brillant succès

 Le 3° grand combat est  le débarquement en Provence. Il débute le 15 août 1944, entre  Théoule et Saint-Raphaël, et  se poursuit dans tout l'est de la France, de Marseille à Strasbourg et Colmar (qu’il atteint le 2/2/45), pour se terminer en Allemagne et en Autriche le 8 mai 1945. L'armée d'Afrique est  associée aux Alliés anglo-américains ; puis la 2° DB  du général Leclerc les rejoindra, en septembre 1944.

Le général de Lattre de Tassigny est alors subordonné au général Patch de la VII armée américaine, mais occupe une place importante au sein de l'État-Major allié, depuis le succès de l'armée d'Afrique en Italie. L'armée d'Afrique devient l'Armée B, au débarquement de Provence : elle est composée d'environ 250 000 Français et musulmans d'Algérie (autant de Français que de musulmans). À la jonction avec la 2° DB du général Leclerc, elle devient la 1° Armée française et incorpore, au fur et à mesure de son avancée, des volontaires et résistants métropolitains.
Le débarquement de Provence a permis de libérer tout l'est de la France, faisant fuir assez vite les Allemands, malgré certaines poches de résistance : les Vosges, les Ardennes,  Strasbourg, Colmar (dernière ville française libérée en février 1945), Arnhem aux Pays-Bas, Anvers en Belgique. En 1945 la bataille se poursuit en Allemagne, et en Autriche.
Le bilan pour l'armée d'Afrique, après neuf mois de combats pour cette dernière bataille, est de 14 000 morts, (soit 5,6 % de l’effectif)

  En conclusion : Même si le nord de la France a été libéré à partir du 6 juin 1944 par les Alliés Anglos-australo-américains, qui ont débarqué en Normandie, même si Paris a été libérée par la 2° DB du général Leclerc et les F. F. L, il ne faut pas sous-estimer l'importance et le rôle stratégique de l'armée d'Afrique en Italie qui a occupé les forces allemandes sur ce front ;  ni la place prépondérante de ces «  Africains » dans la libération sud et de l'est de la France, non seulement les  indigènes, mais aussi les Français d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, qui étaient les seuls représentants français à combattre l'ennemi en Italie et pour libérer le sud et l'est de la France.
Tous les civils«  pieds-noirs » de 18 à 43 ans ont été mobilisés à partir de novembre 1942 (soit 16 % de l'ensemble de la population  « pieds-noirs » : 25 classes d'âge) et  ont payé de leur vie la libération de leur mère patrie, la France, soit environ  14000 morts Français d’Algérie sur un total de 23 400 morts entre Novembre 42 et mai 45, soit près de 8 % des effectifs pour les Français d'Algérie.

Les Français métropolitains, accaparés par les problèmes du quotidien, les troubles des règlements de comptes, les débats politiques et le retour des prisonniers pendant cette période de 1943 à 1945, prêteront peu d’attention aux combats libérateurs qui se déroulent sur leur sol. Ils seront même surpris, le plus souvent, par la participation de l’armée française à ces combats.
Par sectarisme, idéologie, choix politique ou jalousie, toute l’épopée de la participation des soldats français d’Algérie, du CEF, à la libération de la France, de la Tunisie à l’Allemagne, est minimisée et même passée sous silence.
La France est délibérément privée d’une des plus belles pages de son Histoire et de l’histoire de son Armée.


    A titre de comparaison, pendant la guerre d'Algérie, mais surtout entre 1956 et 1962, la mobilisation des Français du contingent représentait 2,5% des Français, et les pertes humaines 1,6%  de l'effectif (25.000 morts sur 1,5 million d'appelés et de militaires de carrière).

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