L'armée d'Afrique en 1942-1945
Elle aura
mobilisé environ plus de 350 000 hommes en trois ans, venus d'Algérie,
pour la plupart, mais aussi de Tunisie, du Maroc, et de l’ex - Afrique
occidentale française. Elle sera composée d'autant de Français d'Afrique du
Nord (environ 150 à 170 000 hommes) représentant 16 % à 17 % de la
population française d'AFN, que de « Français musulmans » vivant en
AFN, environ180 000 hommes, représentant 1,6 % de la population
arabo-berbère d'AFN, enrichie des troupes coloniales de l'ex- AOF (environ
80 000 hommes). Ils vont constituer le 19° corps d'armée du général Juin. Ces effectifs vont augmenter au fur et à mesure des batailles. Les trois combats
auxquels elle participe attestent de la valeur de cette armée :
Le premier a lieu en Tunisie du 12 novembre 1942 au 7 mai 1943 avec 63 000 combattants. La victoire
sur l'Africakorps de Rommel sera aussi, en grande partie, la victoire des
alliés anglo-américains (environ 200 000 soldats) et dans une moindre mesure des forces françaises libres (1°DFL du général Larminat et le régiment du général Leclerc (2500 hommes)). L'armée d'Afrique aura environ 2156 morts soit 4,3 % de l'effectif engagé pendant ce combat en Tunisie : autant de Français que
de musulmans d'Algérie.
Le 2°combat a lieu dans le cadre de la
campagne d'Italie entre
juillet-novembre 1943 et juillet 1944. L'armée d'Afrique devient le corps
expéditionnaire français en Italie (CEFI), placé sous les ordres de la V°armée
américaine du général Clark. A priori, le CEFI ne peut espérer tenir qu'un rôle
relativement effacé. En effet ses effectifs (100 000 hommes, dont 80 000
combattants) sont nettement inférieurs à ceux des alliés anglo-américains
(360 000). La division du général
de Monsabert comprenait 25 à 30 000 hommes environ, dont 8 régiments (3
gros régiments d'infanterie de 2000 à 3000 hommes chacun: le 7°R.T.A., le
3°R.T.A. et le 4°R.T.T (où mon oncle James Poupelin commandait le 2° bataillon), plus trois régiments de
chars, de tanks ou de canons (le 3°R.S.A des spahis algériens, le 7°R.C.A
(tanks), et le 67e R.A.A (canons), plus le 37e groupe des forces antiaériennes,
le 83e bataillon de génie, les 83e et 84e compagnies de transmission et enfin
les unités de service.
Les hommes de cette petite armée d'Afrique (max.130.000 soldats),
du CEFI du général Juin, seront les seuls représentants de la France en Italie,
un peu impressionnés par le nombre, le matériel
et « l'aura » des Alliés du général Clark. Et pourtant,
ils vont réussir en six mois, à force de ténacité, à franchir avec leurs
mulets, dans la boue, les rochers et le froid, les montagnes autour de Monte Cassino, sous les balles des Allemands qui les attendaient là-haut:
Les Américains avaient débarqué dans la baie
marécageuse d'Anzio avec leurs blindés et leurs jeeps…et s'étaient plantés: ils
se rendent alors compte que Rome est imprenable, très bien défendue de tous
côtés, en particulier au niveau de la ligne Gustav et la ligne Hitler, et qu'il
est impossible de passer ces lignes, sauf peut-être à travers les monts Arunci de la chaîne des
Abruzzes.
Mais après l'enlisement des armées américaines et de leurs blindés dans la
baie d’Anzio, alors que la V°armée piétine devant le Monte Cassino imprenable,
trop bien défendu par les Allemands, le général Juin tente
de passer à pied avec ses troupes aguerries et ses mulets, à travers
l'étendue très tourmentée des monts Arunci pour gagner Rome. Cela paraît impossible, mais le général Juin connait ses
troupes.
En effet, en plein hiver, avec ses sommets escarpés, désertiques, ses
falaises abruptes, sans routes, sans
abri pour dormir, ils avaient été classés comme infranchissables par les
Allemands, qui n'avaient donc pas placé de troupes à cet endroit.
Le général Clark donne son accord, le général Juin relève le défi. Pendant
trois mois ses soldats vont supporter les conditions climatiques hivernales,
épouvantables à cette altitude; ils vont souffrir de faim, car l'intendance
suit difficilement avec les mulets chargés de nourriture, d'eau et de
munitions.
Ce sera une bataille très meurtrière : 7250
soldats furent tués, soit en moyenne 9 à 10% de l'effectif engagé ; il y aura de plus 21 000 blessés et 4200 disparus : soit
plus de 30 000 pertes sur un
total de 80 000, (soit plus du 1/3): on a appelé cette bataille le
« Verdun »de la Deuxième Guerre mondiale.
Grâce à cette victoire, les Alliés et les Français ont pu entrer dans Rome.
Un autre combat exemplaire est celui mené pour libérer l'île d'Elbe.
L'opération commandée par le général de Lattre de Tassigny qui a sous ses
ordres la 9° division d'infanterie coloniale (DIC), le deuxième groupe de
tabors marocains, le groupe des commandos d'Afrique et le bataillon de choc du
lieutenant-colonel Gambiez. Au total 12 000
hommes qui remportent un rapide et brillant succès
Le 3° grand combat est le débarquement en Provence. Il débute
le 15 août 1944, entre Théoule et
Saint-Raphaël, et se poursuit dans tout
l'est de la France, de Marseille à Strasbourg et Colmar (qu’il atteint le
2/2/45), pour se terminer en Allemagne et en Autriche le 8 mai 1945. L'armée
d'Afrique est associée aux Alliés
anglo-américains ; puis la 2° DB du
général Leclerc les rejoindra, en septembre 1944.
Le général de Lattre de Tassigny est alors subordonné au général Patch de
la VII armée américaine, mais occupe une place importante au sein de
l'État-Major allié, depuis le succès de l'armée d'Afrique en Italie. L'armée
d'Afrique devient l'Armée B, au débarquement de Provence : elle est composée d'environ 250 000 Français et
musulmans d'Algérie (autant de Français que de musulmans). À la jonction
avec la 2° DB du général Leclerc, elle devient la 1° Armée française et
incorpore, au fur et à mesure de son avancée, des volontaires et résistants
métropolitains.
Le débarquement de Provence a permis de libérer tout l'est de la France,
faisant fuir assez vite les Allemands, malgré certaines poches de
résistance : les Vosges, les Ardennes,
Strasbourg, Colmar (dernière ville française libérée en février 1945),
Arnhem aux Pays-Bas, Anvers en Belgique. En 1945 la bataille se poursuit en
Allemagne, et en Autriche.
Le bilan pour l'armée d'Afrique, après neuf mois de combats pour cette
dernière bataille, est de 14 000
morts, (soit 5,6 % de l’effectif)
En conclusion : Même si le nord de la
France a été libéré à partir du 6 juin 1944 par les Alliés Anglos-australo-américains,
qui ont débarqué en Normandie, même si Paris a été libérée par la 2° DB du
général Leclerc et les F. F. L, il ne faut pas sous-estimer l'importance et le
rôle stratégique de l'armée d'Afrique en Italie qui a occupé les forces
allemandes sur ce front ; ni la
place prépondérante de ces « Africains » dans la libération sud et
de l'est de la France, non seulement les
indigènes, mais aussi les Français d’Algérie, du Maroc et de Tunisie,
qui étaient les seuls représentants français à combattre l'ennemi en Italie et
pour libérer le sud et l'est de la France.
Tous les civils« pieds-noirs » de 18 à
43 ans ont été mobilisés à partir de novembre 1942 (soit 16 % de l'ensemble de
la population « pieds-noirs » : 25 classes d'âge) et ont payé de leur vie la libération de leur
mère patrie, la France, soit environ 14000 morts Français d’Algérie sur un
total de 23 400 morts entre Novembre
42 et mai 45, soit près de 8 % des effectifs pour les Français d'Algérie.
Les Français métropolitains,
accaparés par les problèmes du quotidien, les troubles des règlements de
comptes, les débats politiques et le retour des prisonniers pendant cette
période de 1943 à 1945, prêteront peu d’attention aux combats libérateurs qui
se déroulent sur leur sol. Ils seront même surpris, le plus souvent, par la
participation de l’armée française à ces combats.
Par sectarisme, idéologie, choix
politique ou jalousie, toute l’épopée de la participation des soldats français
d’Algérie, du CEF, à la libération de la France, de la Tunisie à l’Allemagne,
est minimisée et même passée sous silence.
La France est délibérément
privée d’une des plus belles pages de son Histoire et de l’histoire de son
Armée.
A titre de comparaison, pendant
la guerre d'Algérie, mais surtout entre 1956 et 1962, la mobilisation des
Français du contingent représentait 2,5% des Français, et les pertes humaines
1,6% de l'effectif (25.000 morts sur 1,5 million d'appelés et de militaires de
carrière).
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